Cela se passe en France, dans le Chtiland, au siècle dernier, après la Libération. Nous avons désormais des batteries au plomb et un champion industriel – la SAFT - dont nous avons conté les deux siècles d’histoire dans un premier épisode. Il faudra encore un demi-siècle de recherches acharnées, pour enfin produire la batterie au lithium, l’indispensable maillon de l’indispensable transition au tout-électrique. Le réservoir d’électricité enfin conçu, afin de stocker l’indispensable fluide, issu de multiples filières de production (solaires, éoliennes, hydrauliques, nucléaires).
Coup de chance, la batterie (au lithium) dispose d’un pays et d’une population rompus au servage et à l’empoisonnement industriels : le Nord-Pas-de-Calais. Son habitant, le Chti, est bon à tout et ne coûte pas cher. Charbonnage, décharbonnage, silicose, sidérurgie, désidérurgie, chômage, bière et pizza – rien que d’authentiques clichés AOC. Hop, nos champions industriels – dont le Grenoblois Verkor – renomment « Vallée de la Batterie » ce plat pays de plages et de marais (le Blootland en flamand), et le couvrent de gigafactories.
La mise au point de la batterie au lithium et la mise à disposition du Blootland pour la produire, voici les deux fils conducteurs qui tressent ce demi-siècle d’histoire, ici condensé en quelques minutes de lecture. Attention. Contrairement à l’image « écologique » qu’elle tente de projeter (recyclage marginal, décarbonation partielle), l’industrie électrique, et particulièrement son secteur de la batterie, est sale et sinistre à tout point de vue ; objectifs (course à la puissance & à la consommation), matériaux (épuisement de l’eau & des minerais), procédés (polluants et nocifs), humains – quoique les humains, si l’on en croit la presse, ne soient que trop heureux de servir au progrès de cette puissance et d’en tirer leurs salaires.
Bien sûr qu’ils ont le choix. Mais il n’y en a pas un sur cent pour refuser « de rentrer dans cette boite ». On fait bien sûr allusion au cri de cette jeune ouvrière face à deux bureaucrates syndicaux, le 10 juin 1968, aux portes de l’usine Wonder, à Saint-Ouen « Non, je ne rentrerai pas, je ne foutrai plus les pieds dans cette taule, c’est trop dégueulasse ! [1] » » Le cri même de la vie qui se rebelle, par la bouche de cette Marianne aux airs d’Anna Karina dans Pierrot le fou. Une vie plus tard, on voudrait encore la remercier de son cri et de son choix. Les autres, rentrez dans vos boîtes.
(Pour lire l’article, ouvrir le PDF ci-dessus.)
Lire aussi :
• La betterave, la gauche, le peuple et nous
• L’affaire de la pizza infanticide (le crime était industriel)
• Et si on revenait à la bougie ? (Le noir bilan de la Houille blanche)